Jean Coussau
Crédits : DR - Matthieu Cellard
Jean Coussau

Chef

Abonnés 4 Abonnements 0

Vous avez voyagé à travers la France et l’Europe pendant 10 ans. Quel pays vous a le plus marqué d’un point de vue gustatif ? L’Espagne est vraiment le pays qui m’a le plus marqué, et notamment la cuisine du poisson du Nord de l’Espagne car elle respecte énormément la saisonnalité et n’abuse pas d’épices [...] ou de condiments. Elle se sert surtout de ce qu’il y a sur place et c’est justement ça ma philosophie de la cuisine.

Que souhaitez-vous transmettre à la jeune génération de cuisiniers ? Je souhaite transmettre ce qu’on m’a transmis, c’est-à-dire l’amour des beaux produits et le respect des cycles saisonniers. Je dis souvent aux jeunes chefs en herbe : « quand vous saurez choisir un produit, bien le cuire et bien l’assaisonner, vous serez cuisiniers ». D’ailleurs, la cuisine que je prône depuis 40 ans se retrouve tout à coup furieusement à la mode ; on ne parle plus que de « naturalité ». Il y a 30 ans, j’étais ringard, mais aujourd’hui les gens sont à la recherche de produits exceptionnels – que nous trouvons ici grâce à un maillage de pêcheurs, de cueilleurs, d’éleveurs et d’agriculteurs qui est en place depuis trois générations. Mon premier geste du matin, c’est de chercher ce produit-là.

Comment avez-vous réussi le challenge de préserver votre héritage familial tout en apportant votre touche personnelle ? Ma cuisine s’appuie sur ce que m’a transmis mon père. Il avait lui-même codifié la cuisine du Sud-Ouest, qui était traditionnellement une cuisine de femmes. Chacune avait sa recette, chacune avait son interprétation particulière. Je me suis appuyé sur son travail, en apportant ce qui est maintenant plus d’actualité : des sauces beaucoup moins liées, des cuissons plus légères, et une moindre utilisation de la sacro-sainte graisse d’oie.

En tant que Chef passionné par sa région, comment définiriez-vous la cuisine du Sud-Ouest ? C’est une cuisine qui a très souvent été caricaturée et limitée aux seuls confits industriels ou salade de gésiers. Mais la vraie cuisine du Sud-Ouest, ce n’est pas du tout ça ! C’est une cuisine familiale et bourgeoise qui a su mettre en valeur tous les produits exceptionnels que nous avons dans la région. Dans chaque famille, il y a toujours eu des recettes « secrètes », que ce soit au niveau des pâtisseries ou de la liaison des sauces par exemple. Mais surtout, les gens se servaient traditionnellement des produits issus de la chasse, omniprésente dans le Sud-Ouest, ou de la pêche dans les rivières, les étangs et dans l’océan. Chaque famille ou exploitation avait son propre jardin de légumes, ses volailles domestiques et ses quelques arbres fruitiers. De là, une cuisine très riche et très diversifiée est née. Aujourd’hui, elle a un peu tendance à disparaître au profit d’une agriculture déraisonnée et intensive. Personnellement, je me fais un point d’honneur à perpétuer l’héritage de cette cuisine du Sud-Ouest.

Comment élaborez-vous les plats que vous choisissez de mettre à la carte ? L’arrivage des produits au Relais le matin détermine la carte et les recettes. Avant de mettre un plat à la carte, j’ai déjà dans la tête les associations qu’on peut faire, celles qu’on ne peut pas faire. C’est une question d’expérience. S’il y a des produits qui n’arrivent pas, on ne les propose pas, on ne se sert jamais d’ersatz.