Faut-il jeûner ?
Par Paule Neyrat / Diététicienne-nutritionniste - 20 sept. 2015
Nutrition

Jeûner, c'est s'abstenir de tout aliment - l'eau est autorisé dans certains cas - pendant un ou plusieurs jours. Le jeûne a de tout temps été pratiqué pour toutes sortes de raisons : religieuses, philosophiques, physiques ou politiques. Il l’est aussi maintenant dans le but de maigrir. Mais quels sont les bienfaits et les dangers du jeûne ? Réponses en 5 points.

Crédits : DR - FotoliaLe jeûne fait de plus en plus d'adeptes. Mais comment bien jeûner ?

Les origines du jeûne

Crédits : DR - FotoliaLe jeûne religieux, un acte de pénitence

La pratique du jeûne religieux remonte à des temps immémoriaux. La Bible mentionne celui de Moïse et d'Elie (quarante jours), de David (sept jours), de Jésus (quarante jours). Pratiqué dans un but de purification, de deuil ou de pénitence, il demeure présent mais aménagé dans toutes les religions. Prenons l'exemple du ramadan dans l'islam. Dans l'Antiquité, le jeûne était une discipline imposée : Socrate et Platon observaient régulièrement des jeûnes de dix jours pour maintenir leur forme. Pythagore n'acceptait d'élèves qu'après qu'ils aient jeûné quarante jours.

Au XXe siècle, Gandhi instaura le jeûne politique (devenu grève de la faim), moyen de revendication souvent pratiqué pour défendre une cause. Le jeûne purificatoire et thérapeutique de l'organisme, sans connotation religieuse ni politique, a été promu dans les années 50, par Herbert Shelton, fondateur du mouvement hygiéniste aux États-Unis. Courant encore pratiqué de nos jours et dont nombre d'associations regroupent ses promoteurs, tant aux États-Unis qu'en Europe, notamment en France.

Quand peut-on jeûner sans danger ?

Lorsque l’on a trop mangé ! Une journée ou même deux ou trois jours de jeûne peuvent être bénéfiques lorsque l’organisme est saturé de nourriture. Souvent d’ailleurs, il s’impose de lui-même. Mais pour qu’il soit vraiment sans danger, il faut boire beaucoup d’eau, plus du litre quotidien habituel.

Qu'en est-il des centres de jeûne ? Il en existe beaucoup qui offrent des stages d’une à trois semaines de jeûne assorti d’activités, le plus souvent des randonnées, et qui promettent revitalisation, détoxification ou détoxination. Il s’agit néanmoins d’un jeûne relatif puisque, justement pour ne pas courir de dangers, les participants consomment des jus de fruits et de légumes, ou des bouillons qui assurent un minimum de sels minéraux, de vitamines et de glucides.

Crédits : DR - FotoliaDes jus de fruits pour le plein de vitamines
Crédits : DR - FotoliaQui dit centre de jeûne dit randonnée
Crédits : DR - FotoliaLe bouillon et ses nutriments, l'allié d'un bon jeûne
Crédits : DR - FotoliaBoire au moins 2l d'eau est indispensable

Que se passe-t-il dans l'organisme pendant le jeûne ?

L'absence d'apport énergétique entraîne une mobilisation des réserves à partir de la sixième heure. Celles de glucides - 300 à 500 g de glycogène stockés dans le foie et les muscles, soit 1200 à 1500 calories - sont les premières utilisées. Elles permettent de tenir une journée environ sans dommages pour l'organisme. Ensuite, celui-ci puise sur ses protéines : elles constituent toutes les cellules des organes et des muscles. Ce sont ainsi des tissus essentiels qui se détruisent. Enfin, les graisses stockées dans le tissu adipeux fournissent de l'énergie.

En même temps, le corps s'adapte à la privation en diminuant spontanément ses dépenses énergétiques. Mais prolongé, le jeûne conduit à une dénutrition qui peut se révéler dramatique. Si l'organisme n'est pas hydraté lors du jeûne, la mort survient au bout de 10 jours, même quand on a commencé de jeûner en bonne santé. Lorsque l'apport d'eau est suffisant, la dégradation est plus lente et on peut tenir jusqu'à deux mois.

Quels risques sont à considérer lors d'un jeûne prolongé ?

Le jeûne entraîne un arrêt de la sécrétion des hormones sexuelles, une baisse de celle de l'insuline et des hormones thyroïdiennes. La production de glucagon, hormone permettant le maintien du taux du glucose (sucre) dans le sang, augmente ainsi que celle du cortisol, cette hormone souvent appelée « hormone du stress » et qui est fabriquée par les glandes surrénales.

Lors d'un jeûne prolongé, on observe que le volume des reins, du pancréas, du tube digestif et du cœur diminue. De même que la capacité de résistance aux infections, les systèmes immunitaires et lymphatiques étant perturbés. Tout se dégrade non seulement à cause de l'absence de protéines mais aussi de celle de vitamines et de sels minéraux.

Crédits : DR - FotoliaLe cœur est un muscle qui, lors d'un jeûne prolongé, s'affaiblit

Quels sont les effets à court et long termes ?

Une douce euphorie, une sensation de bien-être et de légèreté s'installent au bout de quelques jours de jeûne, en même temps que la faim disparaît. C'est probablement ce qui le rend supportable mais aussi dangereux. Le jeûne entraîne une acidose, c'est-à-dire l'augmentation de l'acidité du sang. Elle est due à l'élévation des corps cétoniques, déchets chimiques des acides gras. Sa caractéristique : une haleine très forte. Mais aussi une perte de l'appétit, parfois des nausées et des vomissement ainsi que des douleurs abdominales.

Faut-il jeûner pour maigrir ?

Il ne faut jamais entreprendre un jeûne prolongé pour perdre du poids. Non seulement car il peut mettre la santé en danger mais surtout parce qu’il ne sert à rien ! Dès que le jeûne est arrêté, l’organisme se rattrape et l’on reprend inévitablement les kilos perdus, sinon plus. Alors, à quoi bon s’infliger ce jeûne ? D’autant plus qu’il peut être mortel par arrêt cardiaque : à force de manquer de protéines, ce muscle qu’est le cœur finit par fondre.

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