Sublimer les fruits : l’audacieux défi de Cédric Grolet
Par Deborah Koslowski - 16 oct. 2017
Portrait

Des pupilles aux papilles, difficile de savoir si Cédric Grolet est plus pâtissier que sculpteur. À l’occasion de la sortie de Fruits (Ducasse Edition), son livre ode à la nature à paraître le 26 octobre, il s’est confié à l’Académie du Goût.

Crédits : Pierre Monetta

Confortablement installé dans une console du Meurice, le trentenaire surnommé « le marchand de fruits» présente quelques-unes de ses créations du moment : la tarte tout chocolat, dont le caractère affirmé de la matière première offre de belles saveurs qui restent longtemps en bouche. Vient ensuite la tarte aux mirabelles, dont la simplicité n’a d’égal que sa douceur. Le Paris-Brest à la noisette qui fleure bon l’authenticité puis l’éclair au maracuja qui surprend à la dégustation avec ses pépins de fruit. Clou du spectacle ? La figue, sculptée, dont le réalisme est saisissant.

Les pâtisseries de Cédric Grolet ? Elles sont sincères, se savourent au rythme des saisons et se dégustent avec les yeux avant de venir caresser le palais de leurs mille saveurs. Le but de leur créateur : rappeler un souvenir d’enfance « comme dans le dessin animé Ratatouille », livre-t-il, touché d’être capable de provoquer des larmes de bonheur chez certains de ses clients.

Des fruits, et l’authenticité du goût avant tout

Plus que l’étoile montante de la pâtisserie moderne, le maestro est un amoureux de la nature et des fruits qu’elle offre. Enfant, il s’en délectait plus volontiers qu’il ne rêvait de bonbons. « Lorsque je mange un fruit fraîchement cueilli, je ne peux m’empêcher de me dire qu’il est difficile de faire mieux. » Mais il est comme ça, le Petit Prince du Meurice : nourri au challenge. « L’idée de Fruits était de revenir à la source. Et de fait, les fruits sont sur la Terre depuis tous temps », explique-t-il. « Les pâtissiers les transforment en tartes, en gâteaux, ils cherchent à en faire quelque chose de nouveau. Mon objectif est de les respecter. Quand je les reçois à maturité, que je les goûte et les trouve très bons, mon défi est de les rendre meilleurs. Je fais donc de mon mieux pour les respecter tout en leur offrant une pointe d’audace, presque dérangeante, pour en relever le goût. »

Sans prétention, il vise le sublime par le biais de créations très visuelles et fidèles à la nature, à l’instar de la Noisette ou de ses fruits sculptés.

Le sucre n’est pour Cédric Grolet « qu’un assaisonnement, comme le sel relève le goût de la viande. » Il prend plaisir à travailler des produits gorgés de soleil, récoltés au bon moment et joue de son audace pour équilibrer les saveurs tout en respectant son sujet… comme Claire Damon, qu’il avoue sincèrement admirer. « Par exemple, il faut vraiment être un mauvais pâtissier pour rendre sucré un dessert au citron ! », s’insurge le passionné des agrumes. Lui, il préfère jouer sur leur acidité, en mariant le jaune à la menthe, le vert à l’estragon et le noir au poivre de Timut.

Et le charme opère : gourmands de la première heure, gourmets, ou curieux attirés par la beauté des créations : aucun ne résiste à ces œuvres d’art pâtissées au vrai bon goût de fruit, que le chef recommande d’accompagner de thé vert classique, afin de ne pas contrarier son travail... tout en facilitant la dégustation des desserts. « Jamais un pâtissier n'avait emprunté avec une telle intelligence les techniques du cuisinier comme la réduction, la concentration et même le rôtissage. Ce livre fera date », préface d’ailleurs Alain Ducasse, admiratif de son poulain, dans Fruits.

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