Laëtitia Rouabah perpétue la tradition des femmes chefs chez Allard
Par Victoria Houssay - 13 oct. 2014
Portrait

Laëtitia Rouabah est chef chez Allard, comme Marthe et Fernande Allard avant elle. L’occasion pour nous de l'interroger sur le métier de chef au féminin, sur l’identité de cette adresse culte, sur son parcours brillant et sur son amour pour la cuisine. Rencontre.

Crédits : DR - Pierre Monetta

C’est un parcours sans faute que celui de Laëtitia Rouabah. Actuelle chef chez Allard, elle a fait ses armes dans plusieurs adresses d’Alain Ducasse et a su, à force d’ambition, saisir les bonnes opportunités. Après un CAP et un BEP, elle postule, sur les conseils d’un camarade de classe, à la brasserie du Plaza Athenée. « Je me suis présentée, et je suis restée quatre ans et demi. J’ai évolué jusqu’à être chef de partie ». Ensuite, c’est le départ pour Londres : Laëtitia pose ses valises au Dorchester. « Une belle ouverture », mais aussi un bon moyen de parler anglais. A son retour à Paris, elle se retrouve dans les cuisines du Jules Verne pour quatre ans et demi. Quand elle en ressort, elle est chef adjointe. On la débauche ensuite pour le salon La Première d’Air France, puis pour l’ouverture d’Allard à l’été 2013.

Une tradition de femmes chefs

Plus impressionnant que son parcours, d’une grande table à une autre ? La simplicité avec laquelle elle en parle. Dix ans de travail qu’elle résume, date par date. A l’entendre, ça pourrait presque avoir l’air facile. Alors on creuse un peu : être chef au féminin, ça complique les choses ? Et c’est là que Laëtitia, sans fard, avoue : « je pense qu’il faut travailler deux fois plus pour avoir la même reconnaissance. « On le voit, les femmes sont souvent un peu plus vieilles quand elles montent en grade », confit-elle. Une situation qui pourrait évoluer : « Il y a de plus en plus de chefs femmes qui arrivent à monter. C’est un métier moins dur qu’hier à mon sens : en cuisine aujourd’hui, on a plus tendance à prendre soin de son équipe qu’à lui taper sur les doigts. Disons que le management est entré en cuisine, même si ça reste très physique. Personne ne va porter ta casserole pour toi : faut bosser. Et quand on travaille dur il faut le faire savoir, sous peine de passer inaperçu ».

Avoir une femme chef, c’est aussi l’identité du lieu. La maison a été fondée par Marthe Allard en 1932, qui apprendra tout son répertoire à Fernande Allard. Cette dernière en fera un recueil de recettes, mais réussira surtout à décrocher deux étoiles au Michelin, chose très rare pour une femme à l’époque (et toujours rare de nos jours, d'ailleurs).

« La tradition dans la simplicité »

Depuis, tout est resté dans son jus. Chez Allard, on ne trouve que des plats signature. Les recettes se transmettent d’une génération à l’autre. Comme le disait André Allard : « les clients ne viennent pas chez nous faire des découvertes gastronomiques, mais faire de vieilles connaissances culinaires ». Point de risque de se retrouver avec un ceviche au yuzu dans l’assiette, aussi bon soit-il. Les classiques de la maison sont le canard de Challans aux olives, les grenouilles façon Fernande Allard ou la joue de bœuf aux carottes. « On y ajoute notre technique, l’excellence Alain Ducasse », explique Laetitia Rouabah. La nouveauté de la rentrée ? Un semainier, avec des plats du jour tirés du répertoire de Fernande Allard. « La simplicité dans la tradition et la tradition dans la simplicité », comme disaient les clients d’Allard au siècle dernier.

Crédits : DR - Pierre Monetta
Crédits : DR - Pierre Monetta
Crédits : DR - Pierre Monetta
Crédits : DR - Pierre Monetta

Une cuisine sans chichi qui convient très bien à la chef. « Décrocher une ou deux étoiles ? Oui j’en rêve. Mais maintenant que j’ai découvert la cuisine bistro, ça me plaît comme style : simple et bon ». Cet amour de l’essentiel se retrouve dans ses produits fétiches : « ça ne vous fait rien de couper une aubergine en deux, mais moi je trouve ça superbe ». « C’est la nature », sourit-elle, « travailler des légumes, c’est magnifique ! ». Cet attachement à la cuisine et aux bons produits lui vient de sa mère : « On était quatre enfants, elle faisait tout maison. Donc forcément, il faut s’y prendre à l’avance et ça embaume toute la maison ». Cette cuisine familiale, gourmande et généreuse est la même que l'on retrouve aujourd'hui chez Allard.

Crédits : Pierre Monetta

Restaurant Allard - 41 Rue Saint-André des Arts, 75006 Paris - 01 43 26 48 23

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