Des insectes dans l'assiette
Par Catherine Lasserre - 4 juin 2014
Société

Le 4 juin dernier, le parvis de la Défense devait accueillir "Pestaurant" (de pest, nuisible en anglais), un food truck éphémère dédié à la dégustation d'insectes. L'occasion pour beaucoup de se familiariser avec ces aliments en passe de devenir l'alternative alimentaire de demain. Mais la veille au soir, cet événement a été annulé par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Motif : la vente d'insectes n'est toujours pas légale en France. Alors allons-nous manger des insectes demain ?

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Derrière ce projet, se cachait Rentokil, leader mondial de la désinsectisation et de la dératisation qui, depuis quelques années, s’attelle à promouvoir, en Occident, l'entomophagie, soit la consommation d'insectes par l'Homme. D'autres villes comme Bruxelles, Londres, Copenhague et Sydney prenaient part à cette initiative. Au menu étaient prévus : sauterelles grillées natures, vers de farine grillés goût barbecue ou saveur mexicaine ou encore criquets grillés au sel et au vinaigre. Peu ragoûtant ? Tentant ? En tout cas, de nombreuses entreprises surfent sur ce nouveau créneau : des sites Internet spécialisés dans la vente d'insectes comestibles pullulent, certains supermarchés - certes rares - en exposent dans leurs linéaires, de grands chefs étoilés comme René Redzepi du Noma les mettent en avant sur leur carte (en témoigne son tartare de bœuf aux fourmis), et des bars-restaurants ont sauté le pas.

Envie d'un ver ?

C'est le cas du Festin Nu, un bar culturel parisien ouvert en avril 2013 qui, grâce aux recommandations de l'ancien cuisinier, à ajouter six mois plus tard des insectes à déguster. « L'erreur des médias, à l'époque, a été de présenter ce lieu comme le premier restaurant à servir des insectes » commente Axel, le propriétaire des lieux. Et pour cause, vers à soie ou à farine, grillons, et autres bestioles figurent sur l'ardoise comme un apéritif parmi tant d'autres à côté des sandwiches et des tapas. Ici pas de volonté de se positionner comme un bar à insectes, même si certains clients viennent pour cette attraction culinaire, mais bel et bien une envie de proposer quelque chose de différent. L'accent est mis sur le « dressage gastro » de ces petites assiettes dégustation qui tournent autour de 4/5 euros. Les petits insectes déshydratés sont servis avec une garniture : des tranches d'avocat pour les vers à soie, des rondelles de betteraves fourrées d'une préparation à base de fromage bleu pour les grillons. Servis de cette manière, ces nuisibles croquants, par ailleurs goûteux, s'apparentent à des condiments qui donnent du relief à l'accompagnement. Une belle mise en bouche pour habituer le palais réfractaire de certains.

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Les insectes pour tous

En réalité, ces nombreuses initiatives sont le fruit des recommandations de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture) qui, en 2008, a préconisé la consommation des insectes et le développement de leur élevage par la même occasion. Une promotion à grande échelle pour contrecarrer l'augmentation de l’élevage intensif d'animaux et trouver une autre option pour nourrir les 9 milliards d'habitants prévus d'ici 2050. Cette alternative alimentaire, dont les études concernent aussi bien les êtres humains que les animaux, a plusieurs avantages : une reproduction rapide, un rendement élevé, un faible impact environnemental mais surtout une force nutritionnelle sans égale. Riches en minéraux, en oligoéléments et en acides gras, les insectes possèdent surtout autant de protéines qu'une pièce de bœuf.

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Pas étonnant donc que deux milliards d'individus répartis sur les cinq continents consomment depuis des millénaires des insectes, notamment la Thaïlande, la RDC et le Mexique, où certains sont d'ailleurs considérés comme des mets de choix. Pas moins de 1900 espèces d'insectes sont répertoriées comme étant comestibles à travers le monde. Malgré cette volonté de démocratiser la consommation d'insectes, une autorisation avant la mise sur le marché de ces « nouveaux aliments » est requise en France, démarche que le Ministère de l'agriculture n'est pas prête d'enclencher auprès du Parlement européen. Et pour l'heure, leur commercialisation n'est soumise à aucune réglementation. Pour résumer, la vente d'insectes est interdite. Le jour où cette demande sera effective, et que l'industrie agroalimentaire proposera des insectes et ses produits dérivés (farine, barres de céréales, etc.), serions-nous prêts à devenir insectivores ?

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